Découverte #7 : Une psychanalyse moderne avec Clotilde Leguil

Comprendre Lacan, c'est un peu comme essayer de saisir la physique quantique : « Si vous croyez comprendre la mécanique quantique, c'est que vous ne la comprenez pas », disait le physicien Richard Phillips Feynman. Pourtant, c'est ce que semble réussir la psychanalyste Clotilde Leguil : non seulement comprendre, mais aussi rendre compréhensible Lacan ; à moins qu'il ne s'agisse d'une des multiples interprétations possibles de Lacan. Finalement, peut-être est-ce uniquement les interprétations qu'elle suscite qui donnent du sens à la psychanalyse de Lacan...

Mais peu importe. Si vous voulez de la psychanalyse moderne et audacieuse, qui tient compte des avancées culturelles et sociales, tournez-vous vers le Lacan-tel-qu'interprété-par-Leguil. Pas question ici de catégories psychopathologiques, de diagnostiquer des écarts à la norme, de troubles de l'identité sexuelle/genrée. C'est tout le contraire : un agrandissement des fenêtres et l'ouverture des cages où sont enfermés les drôle d'oiseaux que sont les humains, cachés derrière leurs façades lissées (ou volontairement ravalées).

Conseils : Céder n'est pas consentir (2021) et L'être et le genre. Homme/femme après Lacan (2015), dont sont tirées les quelques citations que voici (version de 2018) :

p. 93 : « Car aucune norme ne permet au sujet de donner un sens à son sexe. Les normes, tout comme les stéréotypes, envisagent les êtres en tant qu'exemplaires anonymes d'une classe, jamais en tant qu'exception échappant par définition à la règle. Commencer une analyse, c'est donc déjà consentir à se détacher d'un discours qui transforme le sujet en échantillon d'un groupe. Il n'y a pas de cure possible sans remise en question préalable des normes de genre. On peut aller plus loin : il n'y a pas non plus d'analyse possible sans détachement à l'égard des normes sociales en général. Rencontrer la psychanalyse, c'est rencontrer un lieu où l'on peut parler de ce que les normes sociales méconnaissent. C'est rencontrer un lieu qui est précisément l'antithèse de toute soumission à des normes. »

p. 140 : « Avec la psychanalyse, il faut donc consentir à faire le deuil d'une certaine normalité pour aborder les régions méconnues de l'être hors norme. »

p. 53 : « La question est alors de savoir comment parler de la différence des sexes sans tomber dans des stéréotypes ? [...] D'une certaine façon, les stéréotypes chosifient les hommes et les femmes, les figent dans des comportements et dans des traits de caractères donnés irrémédiablement. »

p. 52 : « On peut voir les stéréotypes comme produits par l'ordre social dans le but d'assujettir les êtres. On peut aussi les voir comme produits par l'angoisse des sujets eux-mêmes face à ce qui ne relève pas d'un savoir prédéfini. »

p. 84 : « Dans le voyage au pays du genre, il faut savoir en vérité quitter la route principale, dont le tracé invite à emprunter la même voie que les autres. Pour arriver là où peut-être le sujet fera l'expérience de sa façon d'être dans le genre, il faut oser s'aventurer dans des sentiers inconnus et des passages secrets, loin des normes de tous. Le genre, plus qu'une norme, un état ou un attribut de l'être, est donc un cheminement, un parcours, un devenir. [...] Car le rapport du sujet à son sexe est plutôt toujours de travers, « en anglais on dirait skew », comme l'écrit Lacan en 1960. De travers donc, et même pourrait-on dire, toujours de traviole. Bref, en matière de sexe et de genre, il y a nécessairement quelque chose qui cloche. »

p. 92 : « Cette confrontation à l'être n'est pas confrontation aux normes sociales, mais confrontation à un « je suis » qui n'est pas là où celui qui parlait s'attendait à le trouver. La perspective de l'inconscient fait alors du sexe le lieu d'un questionnement qui conduit le sujet à inventer son propre rapport au genre à partir de son expérience du désir. »

p. 133 : « Être femme selon Lacan, c'est donc exactement le contraire d'un assujettissement à des normes. »